La
douleur chronique Rédaction : Ludovic Baene
Validation : Dr Laurent Labrèze
Sce caducée
Avril 2002
Définition
Selon la définition de
l'International Association for the Study of Pain (IASP),
la douleur est : "une expérience sensorielle et émotionnelle
désagréable liée à des lésions tissulaires réelles
ou potentielles ou décrites en des termes évoquant de
telles lésions".
On peut caractériser la douleur par son profil évolutif
:
·
la douleur aiguë : c'est un symptôme, une
sensation déclenchée par le système nerveux pour
alerter l'ensemble de l'organisme et évoluant depuis
moins de trois mois,
·
la douleur chronique : au delà de trois à six
mois, la douleur persistante et rebelle aux traitements
usuels est dite chronique.
Pour conduire son traitement, la
douleur doit être considérée comme un phénomène
complexe revêtant un aspect multidimensionnel (sensoriel,
affectif-émotionnel, cognitif et comportemental).
La douleur chronique peut être liée à une maladie ou
à une déficience, se manifester après un accident.
Avec certains types de douleurs chroniques, comme les
migraines, la douleur est à répétition plutôt que
constante. Il existe de nombreux autres types de douleurs
chroniques, comme les douleurs post-chirurgicales
chroniques, la cellulomyalgie, le syndrome temporo-mandibulaire,
etc. Pour le patient elle devient l'essentiel de sa
maladie.
La douleur peut aussi se catégoriser en utilisant les
informations apportées par la neurophysiologie :
·
douleurs par excès de nociception = dues à des lésions
des tissus périphériques provoquant un excès d'influx
douloureux dans le système nerveux, il y a une
stimulation excessive des nocicepteurs périphériques.
Correspond aux douleurs habituelles des brûlures, des
traumatismes, des suites d'une opération et d'un grand
nombre de maladies, entrainant soit des douleurs aiguës
( pathologies postopératoire, traumatique, infectieuse,
dégénérative), soit des douleurs chroniques (pathologies
lésionnelles persistantes plus ou moins évolutives),
·
douleurs neurogènes = dues à des lésions du
système nerveux en amont des nocicepteurs périphériques,
que ce soit au niveau périphérique (exemple : section
d'un nerf, zona, neuropathie diabétique) ou central (exemple
: traumatisme médullaire, infarctus cérébral). Ces
douleurs peuvent se manifester en l'absence de tout
stimulus, spontanément, elles sont alors permanentes, ou
par un stimulus normalement non douloureux ou peu
douloureux mais perçu de façon exagérée. Dans tous
les cas ce sont des douleurs très invalidantes, qui
s'accompagnent lorsqu'elles sont chroniques, d'une anxiété
et d'un fond dépressif,
·
douleurs psychogènes = regroupent toutes les
douleurs que l'on ne sait pas classer dans une des deux
catégories précédentes. Ce sont des douleurs sans lésions
apparentes, malgré un bilan médical approfondi. Il
semble probable que des phénomènes psychiques amplifie
cette sensation douloureuse.
Evaluation et diagnostic
De part sa nature très subjective,
la douleur ne peut se quantifier. Cependant son évaluation
reste indispensable pour orienter le choix thérapeutique.
Elle comprend :
·
l'interrogatoire : antécédents, histoire de la douleur,
interventions, traitements,
·
l'examen clinique et neurologique et l'analyse du
fonctionnement du système nerveux s'il est directement
impliqué,
·
la quantification de la douleur. Les outils permettant
une quantification sont des échelles visuelles ou
verbales d'auto-évaluation validées, des questionnaires
descriptifs adaptés selon les cas aux capacités
d'expression du malade (enfants, handicapés moteurs). L'échelle
la plus utilisée est l'échelle visuelle analogique (EVA)
: la douleur est quantifiée sur une ligne allant dun
point = absence de douleur à un point = douleur maximale
imaginable. Il existe également des échelles d'anxiété
et de dépression,
·
la recherche de facteurs psychosociaux susceptibles
d'entretenir la douleur (dépression, conflits
familiaux,etc.).
Le bilan permet alors de classer la
douleur dans l'une des trois catégories
neurophysiologiques. Tout le long de leur trajet les
messages douloureux subissent des modulations
physiologiques qui réduisent ou augmentent leur intensité.
Les principales modulations s'exercent au niveau de la
moelle et sont inhibitrices de la douleur; certaines
cependant augmentent la douleur. La prise en charge de la
douleur est à la fois évaluative et thérapeutique.
Traitement
Le traitement de la douleur
comportent des thérapeutiques médicamenteuses (analgésiques)
et non médicamenteuses (chirurgie, stimulations et électrothérapie,
acupuncture, relaxation). Ces dernières sont encore
insuffisamment prises en compte.
Les traitements médicamenteux ont pour but de réduire
la transmission des messages nociceptifs (au niveau des récepteurs
périphériques de la douleur, ou de la moelle) ou de
renforcer/diminuer les contrôles physiologiques
inhibiteurs/excitateurs des messages nociceptifs s'exerçant
au niveau médullaire. Malgré les progrès en
neurobiologie, la thérapie médicamenteuse repose sur
certains antalgiques.
Les antalgiques
LO.M.S. a proposé de classer l'ensemble des
antalgiques en trois paliers ou niveaux correspondant à
la puissance et au rapport avantage/inconvénient des
analgésiques. A l'origine pour les douleurs cancéreuses,
cette classification peut s'utiliser pour traiter toute
douleur sur le plan symptomatique.
Niveau 1
Analgésiques non morphiniques = le paracétamol, laspirine
et les anti inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.).
Indiqués dans les douleurs légères à modérées.
Mécanisme d'action : réduction de la synthèse des
prostaglandines par inhibition des cyclo-oxygénases (COX).
Niveau 2
Agonistes morphiniques faibles. Associations entre analgésiques
de niveau 1 et analgésiques morphiniques faibles :
dextropropoxyphéne et codéine.
Indiqués en cas de douleurs modérées à intenses ou dés
lors que les douleurs résistent à 2 ou 3 grammes de
paracétamol ou d'aspirine.
Mécanisme d'action : activation des récepteurs opiacés
endogènes " mu " situés principalement dans
la corne postérieure de la moelle.
Niveau 3
Regroupement des agonistes morphiniques forts (morphine,
péthidine, dextromoramide) et des agonistes antagonistes
(pentazocine et nalbuphine).
On distingue le niveau 3a quand les agonistes
morphiniques forts sont administrés par voie orale et le
niveau 3b quand ils le sont par voie parentérale ou
centrale.
Utilisés dans les douleurs sévères et dans les
douleurs d'origine cancéreuse.
Mécanisme d'action : la morphine est un antalgique à
effet central possédant une action supraspinale et
spinale.
Nécessite une bonne connaissance de la manipulation des
morphiniques.
Le passage dun pallier à lautre se fera en
fonction de lévolution de la douleur et du degré
de soulagement du malade. Les modalités générales pour
les antalgiques sont :
·
Privilégier la voie orale,
·
Voies parentérales indiquées en alternative au
traitement oral lorsque celui-ci n'est plus possible,
·
Prescription des prises médicamenteuses à horaires réguliers,
en fonction des seules caractéristiques pharmacologiques
du médicament, et des spécificités métaboliques de
chaque malade,
·
Surveiller les effets secondaires inhérents à un
traitement et respecter les contre-indications,
·
En cas d'échec thérapeutique, modification rapide de la
prescription (ajustement de la posologie, changement de
la molécule, remise en cause du diagnostic.
Les médicaments adjuvants ou co-antalgiques
Les antidépresseurs : traitement des douleurs neurogènes,
notamment des douleurs des neuropathies périphériques,
indépendamment de leurs causes.
Les antiépileptiques : traitement des douleurs de désafférentations
et dans certaines douleurs à caractère paroxystique.
Les myorelaxants.
Les anxiolytiques : pour les effets indirects.
Les corticoïdes : traitement des douleurs d'origine
inflammatoire.
Les antispasmodiques.
Douleur chronique cancéreuse
Parmi tous les types de douleurs, les douleurs cancéreuses
occupent une place à part : elles peuvent à la fois présenter
des composantes nociceptive, neurogène et psychogène (importance
des facteurs psychologiques, familiaux et sociaux).
Face aux douleurs nociceptives intenses non calmées par
les médicaments du palier 2 liées à un cancer (ou
aussi le Sida.) quels que soient le stade et le pronostic
de la maladie, la prescription de morphiniques est
souhaitable.
Deux formes galéniques sont utilisables :
- chlorhydrate de morphine, en solution buvable.Début de
l'effet antalgique en 15 à 30 minutes et pendant 4
heures,
- sulfate de morphine, à libération prolongée, en
comprimés ou en gélules. Début de leffet
antalgique au bout de 1 à 2 heures, et pendant environ
12 heures.
Les traitements non médicamenteux
·
Les traitements anesthésiques et neurochirurgicaux (blocage
des voies sympathiques, thermocoagulation percutanée :
destruction sélective des corps cellulaires des neurones
nociceptifs périphériques, radicellectomie postérieure
sélective),
·
Neurostimulation transcutanée externe utilise aussi le
principe du "gate control" et est indiquée en
particulier dans les douleurs neuropathiques,
·
Massages et les techniques d'électrothérapie exercent
un effet de type gate control et anti-inflammatoire,
·
Acupuncture provoquerait la libération des opiacés
endogènes par un mécanisme de contrôle inhibiteur
diffus induit par une stimulation nociceptive.
Les voies de recherche
Mise au point de molécules plus spécifiques à action
plus ciblée ou dépourvues d'effet indésirables :
- analogues de la capsaïcine entraînant en début de
traitement moins d'effets indésirables (brûlures) que
la capsaïcine,
- anti-cytokines, anti-bradykinines, anti-hitaminergiques,
inhibiteurs de la COX2 (anti-prostaglandines) visant à réduire
la sensibilisation des nocicepteurs,
- neurotrophines (nerve growth factor).
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